DECLARATION SUR L’ETAT DE LIEU DE LA SITUATION DES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, 20 ANS APRES L’ADOPTION DE LA DECLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME DECLARATION SUR L’ETAT DE LIEU DE LA SITUATION DES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, 20 ANS APRES L’ADOPTION DE LA DECLARATION DES NATIONS UNIES SUR LES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME 09 décembre 1998 – 09 décembre 2018
Un jour avant la commémoration du 70e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948, une journée qui coïncide également avec la remise officielle du Prix Nobel de la Paix au tout premier congolais, un fervent défenseur des droits humains, le Docteur Denis MUKWEGE dont nous saluons encore une fois la bravoure pour son combat qui n’est plus à démontrer et qui sera réitéré par ce prestigieux prix le lundi 10 décembre 2018, le monde entier commémore ce dimanche 09 décembre 2018, le 20e anniversaire de l’adoption de la déclaration des nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme. Cette déclaration dont l’élaboration a commencé en 1984 et adoptée par l’Assemblée générale des nations unies en 1998 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme est un texte s’adressant non seulement aux États et aux défenseurs des droits de l’homme, mais également à tout un chacun de nous car tous avons un rôle à jouer en tant que défenseur des droits de l’homme pour concourir en faveur du respect des droits humains dans nos communautés. Ainsi, avec son adoption, la communauté internationale a finalement compris qu’il était important de rendre hommage à ces individus courageux qui ne cessent de défendre les droits des autres au risque de leur propre vie. A travers cette déclaration de 1998, les Etats ont convenu de promouvoir et protéger les droits de tous les DDH, protéger et défendre les droits de l’Homme, du niveau individuel au niveau mondial. En outre, les États ont la responsabilité et le devoir de protéger les défenseurs des droits humains contre les violences, les menaces, les représailles et les actions arbitraires résultant de l’exercice des droits fondamentaux des défenseurs. La Déclaration indique que, lorsque ces droits sont violés, les victimes ont le droit de porter plainte et que ces plaintes devraient être examinées rapidement par des autorités judiciaires indépendantes, impartiales et compétentes, et une réparation doit être accordée aux victimes .En République Démocratique du Congo (RDC), notre pays, vingt ans après l’adoption de la déclaration des nations unies sur les DDH, Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI), organisation de droit congolais à mandat régional et œuvrant pour la promotion de la paix et la protection des défenseurs des droits humains, note non sans regret que les conditions de travail des DDH connaissent plus de régressions que d’avancé en dépit de l’existence de ladite déclaration. Parlant des avancées, il y a lieu de saluer la législation en matière de protection des défenseurs des droits humains dans l’une des 26 provinces que compte la RDC. C’est notamment la province du Sud-Kivu qui dispose depuis 2016 d’un édit portant protection des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Avec le vote de ce texte à l’assemblée provinciale et sa promulgation par le gouverneur de province, les DDH et journalistes de la province du Sud-Kivu ont fait un pas de géant dans la contribution aux mécanismes favorisant le respect des prescrits de la déclaration de 1998 sur les défenseurs des droits humains ainsi que d’autres lois internes et conventions internationales protégeant les DDH ratifiées par la RDC.Quant à la régression, l’on constate, malheureusement, une violation grave et quotidienne de plusieurs lois de la République et celles portant protection des DDH en particulier, voire leur manque de mise en œuvre effective. Point n’est besoin de dire que malgré l’existence de cet édit promulgué au Sud-Kivu, les journalistes et les DDH ne sont pas du tout à l’abri des violences. Il en est de même de la suppression manifeste du ministère provincial de la justice et droits humains dans cette province par le gouverneur, l’abandon totale de la division provinciale de la justice et droits humains ainsi que de la commission nationale des droits de l’homme (CNDH) qui peinent à fonctionner dans presque toute la république alors que c’est parmi les services qui devraient être appuyés suffisamment par le gouvernement pour mieux protéger non seulement les DDH mais aussi la population en général. En conséquence, PPI constate partout en RDC la persistance d’agressions contre les DDH, les arrestations arbitraires, les menaces, les intimidations, la limitation et/ou la surveillance des mouvements de certains DDH, la surveillance des communications et appels et/ou du système des messageries, la coupure de l’internet et des messageries lors de certains événements politiques ou de revendication des DDH, les enlèvements, les kidnapping, les assassinats, l’interdiction de la tenue des réunions ou conférences à certains DDH ou certaines organisations, la répression sanglantes des manifestations des revendications des meilleures conditions des vies de la population, des procès politiques à l’endroit des DDH assortis des jugements iniques, des emprisonnements sans fondement, des contraintes à l’exil, des tortures tant morales que physiques dans des prisons, etc. A titre illustratif, nombreux militants et artistes des mouvements pro-démocratie croupissent présentement en prison, surtout dans la prison de Munzenze au Nord-Kivu, Kisangani, Makala à Kinshasa, Lubumbashi, etc. Pour les cas le plus récent des violations des droits des DDH et des journalistes, au cours de l’unique mois de novembre passé, PPI a documenté 16 cas en RDC. La plupart de ces violations concernent la province du Sud-Kivu et un cas pour la province du Nord-Kivu. Il s’agit d’un journaliste agressé, une maison de presse scellée et une autre sous menace d’être fermée, cinq défenseurs des droits humains arrêtés et relâchés plus tard et sept autres sur qui des menaces graves pèsent jusqu’à présent. Pour la province du Nord-Kivu, l’on a noté le cas d’une femme défenseur des droits humains enlevée par des personnes cagoulées dans la ville de Goma et retrouvée trois jours après dans les périphéries de la ville en état très critique. A ces cas s’ajoute la considération de tous les mouvements citoyens par les autorités congolaises comme œuvrant illégalement les jugeant de ne disposer de personnalité juridique, alors qu’en tant que «mouvements de fait », les mouvements citoyens sont directement régis par les dispositions de l’article 22 alinéa 1er de la constitution et beaucoup d’autres conventions internationales ratifiées par la RDC. C’est ici aussi l’occasion de rappeler la longue liste de plus de 140 organisations parmi lesquelles l’ASADHO et le Groupe Lotus (GL) publiée par le gouvernement congolais en 2008, soit 10 ans après l’adoption de la déclaration sur les DDH, comme travaillant dans l’illégalité, et pourtant toutes ces organisations indiquent qu’elles disposent bel et bien de leurs personnalités juridiques. Du constat de PPI, cette qualification est tout simplement due au fait que les dénonciations et rapports des violations des droits de l’homme que ces organisations ne cessent de rendre public sont souvent considérées comme une menace contre les intérêts du pouvoir qui souhaiterait que les violations se commettent et qu’elles restent cachées et impunies. D’où, des astuces sont imaginées dans le seul but de stopper les activités de certaines organisations qu’ils vont jusqu’à appeler « des subversives ». Il sied de noter également que des mesures de retrait de la personnalité juridique à certaines organisations étaient adoptées en cette même période, et le conseil des ministres congolais a instruit le Ministre de la justice de retirer la personnalité juridique à l’association BDK pour avoir sensibilisé la population du Bas-Congo aux conséquences néfastes de la corruption sur le développement de la région . Face à ce qui précède, PPI recommande :A. Au Gouvernement- Promouvoir les conditions favorables au travail des défenseurs des droits de l’homme (DDH) conformément aux obligations et normes régionales et internationales en matière de droits humains. Ainsi, les DDH travaillant dans tous les secteurs en RDC doivent au moins être rassurés des conditions maximum de la liberté d’association, d’expression et de réunion, des droits de fonctionner sans interférence injustifiée de l’État, mais par contre de son devoir de les protéger à travers les services compétents ;- Abroger la mesure dite « instruction permanente » du ministère de l’intérieur à la base de la restriction des manifestations publiques et autres activités des DDH en violation des lois et normes nationales, régionales et internationales relatives aux droits de l’Homme ;- Favoriser le retour au pays de tous les défenseurs des droits de l’homme contraints de vivre en exile depuis plusieurs années ;- Libérer tous les DDH, les militants pro-démocratie et les artistes engagés qui croupissent injustement en prison, notamment à Munzenze dans la province du Nord-Kivu, Lubumbashi, Kisangani, Makala à Kinshasa, etc. ;- Mettre en place les mécanismes de poursuites judiciaires rapides contre les auteurs des violations des droits des DDH pour mettre fin à l’impunité. A ce sujet, PPI rappelle particulièrement la libération de trois prêtres dont Jean-Pierre NDULANI, Edmond KISUGHU et le curé Enselme WASUKUNDI du diocèse de Butembo-Beni au Nord-Kivu enlevés depuis plus de six ans et dont on n’a pas toujours des nouvelles ainsi que certains cas des DDH et journalistes assassinés tels que Pascal KABUNGULU de Héritier de la Justice, Me Georges KATETA, Serges MAHESHE et Didace NAMUJIMBO de radio Okapi, KOKO BRUNO de radio Star tous à Bukavu en province du Sud-Kivu, Luc NKULULA, Rossy MUKENDI, Floribert SHEBEYA de l’ONGDH La Voix des Sans Voix (VSV), Franck KANGUNDU dit Franck NGYKE du journal La Référence Plus etc. tous à Kinshasa. dont les auteurs de leur assassinat se la coulent douce, certains au sein des institutions de la République et d’autres à la cité.
B. Aux défenseurs des droits humains (ddh)- Rester solidaires et proactifs en cas de difficultés qui frappent l’un ou l’autre dans le cadre de son travail. Des actions urgentes devront être planifiées en synergie et d’autres de suivi pour le besoin de la cause ;- Redoubler les efforts de plaidoyer afin que tous les projets des lois liberticides en discussion présentement au parlement soient tout simplement retirés par leurs auteurs et/ou faire en sorte qu’elles ne requièrent pas le vote nécessaire.
Ainsi fait à Bukavu, le 07 décembre 2018
Pour PPI
Maitre Pascal MUPENDADirecteur des Programmes RDC